Les sceaux byzantins de la Collection Henri Seyrig

Bibliothèque nationale de France

Les sceaux byzantins présentés ici constituent l'édition numérique de la publication donnée en 1991 aux bulles appartenant à la collection de M. Henri Seyrig: Jean-Claude Cheynet, Cécile Morrisson, Werner Seibt, Les sceaux byzantins de la collection Henri Seyrig, Paris 1991. Les travaux se déroulent dans le cadre du projet franco-allemand ANR-DFG DigiByzSeal et sont actuellement en cours. La présente édition reprend sans modifications le texte précédemment publié, avec la différence que la transcription diplomatique des légendes est donnée avec la police Athena Ruby développée par le centre de Dumbarton Oaks.

Une biographie d'Henri Seyrig

Georges Le Rider, In memoriam Henri Seyrig (1895-1873), Revue suisse de numismatique, 52 (1973), p. 167-171.

Présentation

Henry Seyrig fut tout au long de sa carrière en relations avec les plus grands musées du monde qui bénéficièrent à la fois de sa science, de ses conseils ou des informations précieuses qu'il recueillait au Proche-Orient. Ils profitèrent aussi bien souvent de ses dons, ou réalisèrent grâce à lui de nombreux enrichissements de leurs séries. Le Cabinet des Médailles peut s'enorgueillir d’avoir été l'une de ces institutions privilégiées par le savant, voire celle qui lui tenait le plus à cœur. De 1959 à 1973, Henri Seyrig eut la joie d’y avoir comme interlocuteur Georges Le Rider qui, après avoir été son élève à I’Institut d’archéologie de Beyrouth de 1955 à 1958, devint conservateur, puis conservateur en chef en 1961, avant d’être nommé administrateur général de la Bibliothèque Nationale en 1975. Henri Seyrig y rencontrait aussi son ancien collaborateur à la direction des Musées de France de 1960 à 1962, l'archéologue et numismate Raoul Curiel qui, après avoir été directeur d'études à la VIe section de l’École pratique des hautes études, fut de 1965 à 1978 conservateur spécialiste chargé des monnaies orientales.

Mais les relations d’Henri Seyrig avec la Bibliothèque Nationale remontaient plus haut puisque dès 1929, alors qu'il était encore secrétaire général de I’École francaise d’archéologie d‘Athènes, il offre au Cabinet 246 monnaies grecques achetées à Thasos. En 1932, alors directeur des Antiquités de Syrie et du Liban, il lui présente à nouveau 371 monnaies impériales grecques. La guerre interrompit naturellement ces contacts qui reprennent en 1949 avec un nouveau don de plus d’une centaine de monnaies antiques frappées en Syrie-Palestine, inaugurant une série d'entrées quasi ininterrompues de 1958 à sa mort. Celle-ci est précédée de peu par l’achat de sa collection personnelle composée de 658 monnaies, intailles etc. dont beaucoup de pièces rares et scientifiquement importantes. Dons et cessions ont ainsi accru les séries du Cabinet des Médailles d’un nombre considérable de monnaies, cachets et bulles, bijoux et autres objets dont la statistique impressionnante, quelque six mille trois cents exemplaires, ne révèle qu'imparfaitement la valeur. L’importance purement numismatique des pièces est rehaussée souvent par les informations concernant les provenances, nombreux étant en outre les trésors, ou parties de trésors, entrés grâce à Henri Seyrig dans les collections de la Bibliothèque Nationale. Le Cabinet des Médailles a par ailleurs reçu de lui toute sa documentation scientifique, albums de photographies et collection de moulages compris, ce qui augmente encore l’intérêt de l'ensemble.

Au sein de ce matériel varié, reflet de la multiplicité et de l’étendue des centres d’intérêt et des connaissances du savant, les sceaux de plomb byzantins ou de l’Orient latin occupent une place modeste en quantité, mais d'une grande importance. Henri Seyrig avait dû commencer fort tôt de constituer cette série puisque dès 1935 il envoie au R. P. V. Laurent, chargé à cette date par le Collège de France de la refonte de la Sigillographie de G. Schlumberger, un inventaire manuscrit fort soigneusement établi qu’il qualifie de "description complète des bulles de ma collection". De cette époque date sans doute un groupe d’acquisitions effectuées sur les marchés d'Istanbul ou d'Alexandrie. L’essentiel de la collecte, autant qu’on en puisse juger. nous y reviendrons, semble toutefois avoir été pratiqué en Syrie ou au Liban. Le savant publia lui-même, parmi les "Inscriptions grecques" qui forment l'appendice II du volume III de G. Tchalenko (Villages antiques de Syrie du Nord, Paris 1958), p. 40-42 et p. 62, fig. 24, la "Bulle de Magnus le Syrien" (no 136). Il signale aussi dans cet ouvrage (p. 40, n. 3) quatres autres variétés de plombs (nos nos 141-143 et 149). Il communiqua à G. Zacos et A. Veglery les inédits qu'ils publièrent dans leurs Byzantine Lead Seals, I sous les nos 131-133 (nos nos 402, 138 et 148).

En 1968, la Bibliothèque Nationale acquit, en un seul bloc, la plus grande partie de cet ensemble de plus de 400 pièces, enregistré sous le numéro d'acquisition global 1968-776 (1 à 405; ces derniers numéros ne sont pas reportés sur les etiquettes des pièces qui conservent les numéros correspondant à I'inventaire manuscrit dressé par Henri Seyrig lui-même de sa collection). Cet achat essentiel est suivi la même année de celui de huit pièces (1968-782 à 789), parmi lesquelles le plomb exceptionnel des commerciaires Diomède et Diogène (no 144) et, l'année suivante, de six autres plombs byzantins ou de I’Orient Latin (1969-859 à 864) trouvés sur le rivage de Tyr, dont celui du comte des Largesses Sacrées, Gennadios (no 92). Cette série d'achats avait été précédée en 1953 de l’entrée isolée d'un très beau sceau de Raymond III de Tripoli (R 1103 = notre no 382) que J. Yvon publia dans la Revue Numismatique 1966. À la date de l’acquisition et dans les années soixante-dix, ces plombs ne sont pas inconnus du monde savant puisqu'un certain nombre de ses exemplaires les plus remarquables sont décrits, voire reproduits, dans les ouvrages de référence qui voient alors le jour, les Byzantine Lead Seals de G. Zacos et A. Veglery (1972), et surtout les tomes V et II du Corpus des Sceaux de l’Empire byzantin, publiés par V. Laurent ou ses continuateurs entre 1963 et 1981. Mais, à l'exception de ces rares spécialistes, les historiens, qui prennent alors pourtant conscience de plus en plus de l’originalité du document sigillographique, ignorent encore la richesse de ce fonds.

La publication complète, qui nous fut confiée par Mme Hélène Nicolet, alors directeur du Cabinet des Médailles, se justifie par plusieurs raisons: la composition générale de cette collection, où les doubles sont fort peu nombreux, en fait un ensemble assez représentatif de la sigillographie byzantine, à l’exception, compréhensible, des séries africaines ou des séries tardives des XIIe-XIVe siècles; la belle qualité des exemplaires en permet une bonne illustration; les inédits sont abondants; les personnages attestés par ces plombs sont d'une grande importance historique. À titre d’exemple, relevons les noms des ducs d'Antioche, Théophylacte Dalassènos, Romain Sklèros, Joseph Tarchaneiôtès, du catépan d'Edesse, Léon Arbentinos... L’index fournit bien des patronymes illustres, Comnène, Doukas, Kourkouas, Pakourianos... Et surtout une information relativement précise sur la provenance de nombreuses pièces fait exception parmi les catalogues existants. En effet Henri Seyrig nous indique l’origine ou le lieu d’acquisition de plus d’une soixantaine de plombs sur quatre cents. En dehors d'une dizaine d'exemplaires signalés comme acquis à Constantinople et de trois autres acquis au Caire (les nos 8, 300, 313 qui sont des copies), les autres proviennent tous d’achats effectués en Syrie ou au Liban: 22 de Tyr, 6 de Beyrouth, un de Byblos, un de Gabala, 3 de Lattakié, 13 d’Antioche, un d’Alep et un de Damas, ou encore de l’île voisine de Chypre (deux exemplaires achetés à Nicosie). Et la composition non précisée du reste de la collection d'origine paraît refléter la même prépondérance du domaine syro-palestinien.

Par opposition avec la collection Zacos, constantinopolitaine par essence puisque formée en partie des trouvailles ramassées sur le rivage du Bosphore par les "araïdjis", et provenant des archives détruites de la capitale, ainsi que d’achats de toutes origines dans le Grand Bazar, la collection Seyrig présente donc l’intérêt d’offrir un témoignage portant sur I’une des provinces les plus riches et les plus importantes de l’empire byzantin dont les trouvailles sigillographiques sont quasiment non publiées par ailleurs.

Le matériel Seyrig vérifie ce que nous avons proposé d’appeler le "principe de territorialité", à savoir la diffusion restreinte des sceaux byzantins provinciaux et la prépondérance écrasante dans un échantillon régional, dans une proportion de 80% environ, des plombs originaires de la circonscription même, complétés pour une faible part, de l'ordre de 10%, par les pièces en provenance des zones limitrophes [1]. Aussi est-il normal de trouver ici la distinction de trois groupes correspondant à trois moments de l’histoire de la Syrie-Palestine: l'époque protobyzantine (Ve- VIIe siècle), l’époque de la reconquête byzantine (Xe-XIe siècle), et enfin celle des établissements latins d’Orient. Au sein de ces divisions chronologiques, figurent des séries particulièrement remarquables: tout d'abord, celle des commerciaires de Tyr ou d’Antioche (nos 136-152), sur laquelle nous avons déja attiré l'attention [2]; puis celle des fonctionnaires civils ou militaires administrateurs du duché byzantin d'Antioche (nos 156-164), depuis Théophylacte Dalassènos, duc vers 1030, jusqu'à Isaac Comnène, duc de 1073 à 1077 et Philarète Brachamios, domestique d'Orient (v. 1080) (no 192). Le patriarcat syrien est également représenté par quelques beaux sceaux de patriarches (nos 233- 235) et plusieurs, encore inédits, d’évêques orientaux (no 237, Arados, no 258, Mélitène, no 265, Polémonium, no 266, Ptolémaïs, no 269, Stratonicée, no 273, Tripoli, no 274, Tyr).

Enfin la position de "marche" de la province syrienne explique la présence dans le fonds Seyrig de plusieurs sceaux hybrides ou mixtes par leur forme (tel le beau plomb gravé en grec du normand Thierry de Barneville [3]) et/ou par le caractère et l‘origine de leur signataire: tel un musulman converti, Éleutherios Apodallas (Abdallah) (no 293), un autre partiellement intégré, le patrice Ibn Mousharraf (no 395) qui fait encore graver son boullotèrion en arabe, un géorgien au sceau bilingue, le stratège Georges Katas (no 219 [4]). D’autres sceaux attestent encore par la diversité des anthroponymes – le turc Kémalis; le magistre arménien Apnelgaripès (no 40) – le caractére mêlé de cette société de la frontière.

C’est la richesse et la diversité de ce fonds qui ont nécessité ou du moins justifié ce travail d’équipe international: J.-Cl. Cheynet et C. Morrisson ont rédigé les descriptions et une partie des commentaires. Ceux-ci ont été nourris notamment par la documentation et les études menées par le premier d’entre eux sur l’histoire politique et sociale de l’empire byzantin des Xe-XIIe siècles. Ils ont bénéficié des conseils de D. Feissel pour les sceaux anciens. Ils ont également effectué les récolements nécessaires, tandis que W. Seibt, au cours de deux séjours successifs à Paris avec l’appui de la Kommission für Byzantinistik der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, procédait à la correction des lectures et des identifications et précisait de nombreuses datations suivant la méthode qu'il avait mise au point et appliquée pour les collections de Vienne. Enfin W. Seibt a rédigé plusieurs notices historiques et procédé, avec l'aide de son épouse Natacha, à la vérification des pièces parallèles dans le fichier de I'Institut de Vienne; M. Grünbart (Université de Vienne) a collaboré à la lecture des monogrammes. Nous avons pour terminer soumis la section comprenant les sceaux latins à la lecture compétente de M. Jean Richard, membre de I’Institut et les sceaux syriaques à M. Javier Teixidor, directeur de recherche au C.N.R.S. Nous les remercions vivement des compléments et corrections qu’ils ont bien voulu nous indiquer.

Notre reconnaissance s’adresse aussi au Centre d‘histoire et civilisation de Byzance (URA 186 du Collège de France/CNRS) dirigé par G. Dagron et tout particulièrement à Mme Carole Verrey qui a effectué la saisie sur ordinateur de la totalité du manuscrit, y compris les légendes, dans l'alphabet épigraphique mis au point par J.-Cl. Cheynet et Jan De Meester, de l’imprimerie Cultura à Wetteren, Belgique.

Notes: [1]. J.-Cl. Cheynet et C. Morrisson, Lieux de trouvaille et circulation des sceaux, Studies in Byzantine Sigillography, 2 (1990), p. 105-136; [2]. C. Morrisson, Sceaux byzantins inédits de la collection Henri Seyrig, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 130e année, 1986/2, avril-juin, p. 420-435; [3]. J.-Cl. Cheynet, Le sceau de Thierry de Barneville, duc d’Antioche, Revue Numismatique, 6ème série, 26 (1984), p. 223-228; [4]. W. Seibt, Problemy vizantino-gruzinskoj sigillografii, dans IV meždunarodnyj simpozium po gruzinskomu iskusstvu (Tbilisi 1983, 23.V - 2.VI), Sbornik dokladov, I, Tbilisi 1989, p. 422-423.

Présentation extraite (avec modifications mineures du texte et sélection des notes de bas de page) de: Jean-Claude Cheynet, Cécile Morrisson, Werner Seibt, Les sceaux byzantins de la collection Henri Seyrig, Paris 1991, p. 9-11.

This edition should be cited as Collection Henri Seyrig, Bibliothèque nationale de France, available at: https://seyrig.sigidoc.huma-num.fr/.

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